GREIMAS, A. J. et Joseph COURTÉS. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Paris: Classiques Hachette, 1979.
Vraisemblable. Verisimilitude
[p. 422-423]
- Employée en sémiotique littéraire, la notion de vraisemblable relève de la problématique plus générale de la véridiction (du dire vrai) discursive, et fait partie de l´appareil conceptuel de la théorie de la littérature non scientifique, appelée à rendre compte des productions littéraires européennes de l´âge moderne. De ce point de vue, son utilisation pour l´analyse des discours littéraires, sortant du contexte culturel ainsi délimité, est à exclure comme l´expression d´un européo-centrisme inadmissible ; son emploi à l´intérieur de ce contexte culturel n´est à envisager qu`à la suite d´une redéfinition qui situerait le vraisemblable comme une variable typologique dans le cadre du modèle général de la véridiction discursive.
- En tant que concept intra-culturel, le vraisemblable est lié à la conception du discours – et, de manière plus générale, du langage dans son ensemble – comme représentation plus ou moins conforme à la « réalité » socioculturelle. Il s´agit là de l´attitude qu´adopte une culture par rapport à ses propres signes, attitude métasémiotique d´ordre connotatif, que certains considèrent comme un des principaux paramètres permettant d´envisager l´élaboration d´une typologie des cultures. Le vraisemblable concerne alors plus spécialement l´organisation syntagmatique des discours dans la mesure où celle-ci « représente » les enchaînements stéréotypés – et attendus par l´énonciataire – des événements et des actions, de leurs buts et de leurs moyens. A l´intérieur d´une telle conception, le vraisemblable sert de critère véridictoire pour évaluer les discours narratifs de caractère figuratif (et pas uniquement les seuls discours littéraires), à l´exclusion des discours normatifs (juridique, esthétique, etc.), des discours scientifiques et, plus généralement, des discours à dominance no figurative et abstraite (discours philosophiques, économique etc.). On voit, d´autre part, que, dans cette perspective, le discours vraisemblable n´est pas seulement une représentation « correcte » de la réalité socioculturelle, mais aussi un simulacre monté pour faire paraître vrai et qu´il relève de ce fait, de la classe des discours persuasifs.